MOTEUR
Ce travail d’étude a été demandé à l’Ecole d’ingénieurs du canton de Vaud (HEIG-VD) en 1996 afin de permettre l’élaboration d’une réplique du moteur Oerlikon de 1910 pour équiper l’avion Grandjean n°3.
Le travail de documentation a été exécuté en grande partie à la HEIG-VD de 1996 à 2001. Il a permi à 5 élèves d’obtenir leur diplôme d’ingénieur mécanicien.
Caractéristiques du moteur
Développement par les ingénieurs Egg et Türler, constructeurs chez Oerlikon, Zürich.
Développement | 1909 |
Période de fabrication | de 1910 à 1914 |
Type du moteur | Boxer 4 cylindres à carter sec, c’est-à-dire vilebrequin et bielles visibles |
Système | 4 temps, carburateurs, longue course |
Refroidissement | Eau par pompe, radiateurs et chemises |
Cylindrée | 6,28 litres, puis 7,6 litres |
Diamètre du piston | 100, puis 110 mm |
Course du piston | 200 mm |
Taux de compression | 3,84 |
Puissance | 36,7 kW à 1000 t/min. (50 CV)44 kW à 1100 t/min. (60 CV) |
Poids | 80 kg |
Carburant | Essence |
Lubrification | Huile de ricin, lubrification à huile perdue |
Rapport poids/puissance | 1,6 à 1,33 kg/CV |
Toutes ces informations ont été par la suite vérifiées par calculs théoriques.
Première difficulté technique : Le démontage de l’exemplaire prêté par le Musée Suisse des Transports de Lucerne
(En tout, il reste 4 exemplaires sur les 14 modèles construits)
Sans dessins ou informations, comment démonter un tel engin, par où commencer ? Chaque pièce que l’on va séparer du bâti demande une longue réflexion, que va-t-on trouver à l’intérieur du mécanisme ? Des outils spéciaux doivent être créés. Tous les éléments mécaniques livrent peu à peu leur histoire et leur secret. On ne peut que constater avec quel génie nos ancêtres maîtrisaient la mécanique avec les moyens très limités de l’époque.Des usinages incroyables sont ainsi mis à nu, des roulements, les premiers montés sur un moteur d’aviation et en plus fabriqués en Suisse. Des vis spéciales avec des filetages non normalisés. Un bâti en fonte d’aluminium d’une incroyable qualité. Des bielles usinées dans la masse avec des états de surface dignes d’une Rolls. Des roues dentées avec des profils en développante de cercle. Des cames avec des rampes parfaites. Des soupapes avec une géométrie si particulière et apothéose de notre émerveillement un vilebrequin fabriqué d’un seul tenant.
Fabrication des pièces de fonderie
Les pièces de fonderie sont toutes exécutées selon le procédé original par des artisans du Nord de l’Italie. Les modèles sont fabriqués. Une coulée d’échantillonnage est exécutée, avant la coulée définitive. Ensuite les pièces seront usinées normalement et finies à la main.
Fabrication du vilebrequin
Nous n’avons pas trouvé de partenaire capable de reproduire selon le procédé de l’époque, le forgeage, une telle pièce. Même les spécialistes des grandes entreprises ont tous renoncé à prendre la responsabilité de sa fabrication. Nous avons envisagé d’utiliser une fonte à graphite sphéroïdal et de la couler. Ce sont les mêmes fournisseurs du Nord de l’Italie qui ont relevé le défi en coulant finalement un vilebrequin en acier.
Usinage des cylindres
Le constructeur de l’époque, pour maintenir une masse acceptable de l’ensemble a imaginé des cylindres avec une épaisseur de paroi de 1,5 mm. Pour les professionnels, comment tourner un tel tube sur le tour sans provoquer une déformation. Le choix de la matière (qui doit résister à une très haute température) effectué, il ne restait plus qu’à déterminer la gamme opératoire et exécuter un prototype et les outillages nécessaires pour mener à bien la fabrication de seize pièces. Cette étude a été confiée aux maîtres mécaniciens de l’Ecole d’Ingénieurs du Canton de Vaud, qui ont transmis leurs expériences à un atelier mécanique. Celui-ci, après quelques réticences, a accepté de relever le défi. Un honage de précision est encore nécessaire pour garantir une lubrification sans problème.
Usinages conventionnels des autres pièces
Nos partenaires (des écoles professionnelles) procèdent à l’usinage des pièces de fonderie, des pistons, des arbres à cames ; les bielles sont usinées dans la masse d’une plaque d’acier, le tournage très compliqué des soupapes a nécessité de nombreuses modifications de programmation, tout ceci est mené de front et nécessite un immense travail de coordination. Les délais que nous avions prévus initialement n’ont malheureusement pas pu être maintenus vu les difficultés évidentes qui accompagnent automatiquement ce genre de coopération.
Cas particulier de la soupape
Lors du démontage des soupapes, nous avons constaté qu’une extrémité était obturée par une vis étanche et sertie, donc indémontable. Nous avons procédé à une radiographie pour connaître l’intérieur de la pièce. Nous sommes en présence d’un trou percé jusqu’à la limite du filetage, probablement pour alléger au maximum la pièce, mais peut-être aussi pour contenir du sodium. Nous n’en aurons jamais la preuve.
Refroidissement du moteur (refroidissement à eau)
Les quelques photos dont nous disposons sont suffisantes pour deviner comment Grandjean avait imaginé le refroidissement de son propulseur. Nous avons prévu plusieurs solutions que nous avons testées sur le banc d’essais. Nous avons utilisé un radiateur moderne, alors que nous avons maintenu le principe de la pompe de circulation originale comme représenté sur la figure ci-dessous. Nous avons conservé la chemise de refroidissement en cuivre autour du cylindre. Cette dernière pièce nous a donné quelques soucis de fabrication.
Carburateurs
L’adaptation d’un carburateur moderne, dont les caractéristiques de débit sont semblables aux carburateurs d’origine est possible, mais nous avons réalisé une réplique, car nous nous sommes laissés influencer par un puriste qui suit le projet. Nous adaptons dans la foulée un réglage des gaz, qui s’est révélé par la suite très délicat.
Allumage et magnéto
Comme nous avons prévu de maintenir la magnéto de démarrage, qui a permis à Grandjean de gagner le prix Eynard le 4 septembre 1912, plusieurs solutions s’offrent à nous. Après consultation auprès de différents spécialistes, nous allons également tester différents types et fournisseurs d’allumage sur le banc d’essais.
Roulements
Une chance qui n’arrive qu’une fois, nous a permis de retrouver des roulements ayant les dimensions des originaux chez un revendeur/brocanteur, et tenez-vous bien, ils étaient encore emballés dans le papier original et protégés par de l’huile contre la corrosion. Ces roulements qui n’apparaissent plus dans les catalogues doivent être âgés de plus de cinquante ans.
Calculs de résistance et de durée de vie
L’approche mathématique et les moyens dont nous disposons aujourd’hui nous ont permis de calculer par différents logiciels la durée de vie probable du moteur. Ces calculs nous ont permis de vérifier ce que Grandjean affirmait dans ses mémoires: l’endroit de rupture des pièces comme le vilebrequin par exemple. De plus la durée de vie du moteur est de l’ordre de 150 heures pour les pièces les plus éprouvées, c’est-à-dire les roulements et de quelques heures pour les ressorts de rappel de soupapes. Nous avons bien entendu profité de renforcer ces endroits névralgiques.
Investissement en heures (situation début 2005)
Un décompte sommaire des heures peut être partagé de la façon suivante :
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- cinq étudiants pendant leurs travaux de semestre : 500 heures
- cinq étudiants pendant leurs travaux de diplôme : 3’000 heures
- un ingénieur pendant un travail d’assistant : 800 heures
- trois dessinateurs pendant un travail d’occupation : 3’600 heures
- un responsable directeur de projet pour coordination : 2’000 heures
- l’initiateur du projet : 1’500 heures
Soit un total arrondi pour divers, mécaniciens, voyages, visites : plus de 12’000 heures, ceci bien entendu sans tenir compte des heures de travaux d’atelier mécanique, usinage des pièces détachées et montage et de menuiserie, dont nous ignorons à ce jour le décompte précis.