Association avion René Grandjean

LE PREMIER VOL SUISSE DE VILLE À VILLE

 

Avenches-Payerne, le 28 septembre 1910. Nous sommes rentrés de Viry à Avenches, un mardi. Le lendemain, nous étions sur le terrain de l’Estivage et l’appareil de Failloubaz est arrivé.

Pour comprendre la suite, il faut se souvenir de la situation du moment. L’avion Grandjean était à moitié démoli et il fallait du temps pour le réparer; celui de Georges Cailler n’était pas terminé. Dans l’équipe des trois Suisses revenus de Viry, seul le Blériot de Failloubaz était en état de voler.

En cette fin d’année 1910, pas moins de sept événements très importants se succédèrent en trente-neuf jours. Rappelons-les:
14-21 septembre: meeting à Viry (avion Grandjean démoli)
28 septembre: vol de ville à ville Avenches – Payerne
2 octobre: premier meeting suisse à Avenches
8-10 octobre: meeting de Berne (brevet n°1 à Failloubaz)
12 octobre: Avenches interdit ses terrains à Grandjean
17 octobre: meeting de Planeyse
23 octobre: meeting de Payerne

Voyons maintenant comment les choses se sont passées, après le retour de Viry, pour l’équipe suisse Grandjean-Failloubaz, à laquelle l’opinion publique ajoutait maintenant Georges Cailler.

Le 28 septembre, Failloubaz atterrit à Payerne. Grandjean est un des premiers sur les lieux. L’avion est prêt. On le roule immédiatement sur le champ. Failloubaz monte dessus, on lance le moteur en tournant l’hélice. Sans nous dire un mot, il fait le signe de le lâcher, décolle, et prend la direction de Payerne.

Nous nous sommes alors rendus à Payerne, à l’endroit où il venait d’atterrir, réalisant ainsi le premier vol de ville à ville suisse. En un clin d’oeil, tout Payerne se trouvait sur le champ, et tout le monde s’est mis à parler de faire un meeting à Payerne. Tout de suite, le Conseil communal et la Municipalité réunis ont décidé de faire ce meeting, et on a accepté.

À Avenches, on annonce la participation des trois aviateurs, Cailler, Failloubaz et Grandjean. Ceux-ci savent bien que c’est impossible, mais ils ne peuvent rien faire. Ils savent aussi que si un seul avion vole, le public sera satisfait.

Le meeting a lieu. Seul Failloubaz vole, mais c’est Grandjean qui a tout le souci sur le terrain. Il a amené son avion à moitié réparé, pour le montrer au public. Les organisateurs « couronnent» les deux amis, mais Failloubaz devient la vedette. Des idées fausses naissent (on ne saura jamais qui les exprima le premier) et circulent dans ce qu’on appelle l’opinion publique; il y a notamment celles-ci: « Failloubaz est le meilleur » et « Failloubaz n’a plus besoin de Grandjean ».

Six jours après, les trois aviateurs participent au meeting de Berne (8, 9 et 10 octobre). Failloubaz y cueille le brevet suisse de pilote n°1 et Grandjean y réussit quelques petits envols sur son appareil à moitié réparé. Les deux hommes collaborent sur le terrain et des documents authentiques en font foi; leur amitié est encore intacte. C’est à la dernière minute qu’ils ont décidé de tenter leur chance à Berne et le meeting de Payerne était prévu pour la même date. Là aussi donc, il y eut de terribles démêlés avec les Payernois qui durent finir par renvoyer le leur au 23 octobre.

Le fait que Failloubaz avait obtenu le premier brevet suisse suscita un enthousiasme inouï. À Avenches, l’idée des fanatiques, « Failloubaz n’a plus besoin de Grandjean », s’imposa et, deux jours après, Grandjean reçut la fameuse lettre lui interdisant le terrain d’Avenches.

Cette lettre empêchait la continuation de la collaboration des deux amis. Eux ne comprenaient pas; ni l’un ni l’autre n’avait vu le dessous des cartes. Grandjean était éliminé du seul terrain un peu aménagé et Failloubaz restait sous la coupe absolue des seuls fanatiques avenchois de l’aviation.

Bref, quelle catastrophe… Il y eut des démêlés à n’en plus finir… Cette dernière phrase désabusée de Grandjean, montre qu’il n’a pas bien pu comprendre toutes les circonstances dans les-quelles se déroulèrent les fâcheux événements qui suivirent, et qu’il a renoncé à les approfondir.

Ce sont ces circonstances qui amenèrent la séparation des deux amis, sans que ni l’un ni l’autre en soit responsable. C’est un sujet qui a fait énormément « causer », mais qui n’a jamais été éclairci, même par les deux intéressés.

L’amitié de Grandjean et Failloubaz est née pendant la construction de l’avion à Bellerive et les essais à l’Estivage d’Avenches. Au sol, Grandjean était le cerveau et le mécanicien, et Failloubaz manœuvrait les commandes sur ses indications.


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